Rente alimentaire et autonomie financière

Rente alimentaire et autonomie financière…

L’Administration tente parfois de refuser la déduction des rentes alimentaires versées à un bénéficiaire, souvent un enfant, en considérant que le bénéficiaire de la rente ne jouit pas d’une autonomie financière.

Cette théorie semble étonnante à plus d’un titre, puisqu’elle contredit une des 4 conditions de déductibilité des rentes alimentaires ( art. 104 Cir 1992 ).

A suivre ce raisonnement, plus aucune rente alimentaire ne serait déductible.

Nous nous sommes penchés sur ce qu’en disent les Cours et Tribunaux dans la cadre d’un dossier du bureau.

Les conclusions sont assez claires :

Cour d’Appel de Bruxelles – Arrêt du 22 octobre 1999 – rôles 1996/FR/241 et 1996/FR/593

La Cour relève que :

« c’est en vain que l’Administration soutient pareil raisonnement, dans la mesure où elle méconnait le principe même de l’obligation alimentaire telle qu’elle est prévue par les différentes dispositions légales reprises à l’article 104, 1° CIR 1992 ; en d’autres termes, en suivant cette thèse plus aucune pension alimentaire ne serait déductible, alors que l’obligation de paiement découle d’un état de besoin du crédirentier qui ne peut pas faire face à ses propres moyens, donc une dépendance financière évidente à l’égard du débiteur des aliments ; l’existence d’une dépendance financière n’exclut ou rien la possibilité d’existence d’un foyer distinct.»

Tribunal de Première Instance de Bruxelles – Jugement du 20 novembre 2001 – rôle n° 99/10.210/A

Le Tribunal relève que :

« la Cour d’Appel de Bruxelles ( 15.11.1996, FJF. 1997, n° 97/42 ) a en effet rappelé à cet égard que la preuve de l’autonomie financière du créancier d’aliments n’est pas requise puisque la rente alimentaire est précisément servie pour subvenir aux besoins d’une personne qui ne peut y faire face par ses propres moyens.
L’existence d’une dépendance financière n’exclut en rien la possibilité d’existence d’un foyer distinct, aucune relation nécessaire n’étant à établir entre ces deux notions.

Que dans le même arrêt, la Cour ajoutait que la déclaration par le père que son fils était à sa charge n’impliquait donc nullement la reconnaissance de l’absence de création par son fils d’un foyer distinct. »

Cour d’Appel de Bruxelles – Arrêt du 28 juin 2000 – rôle n° 1991/FR/166

La Cour relève que :

« L’exécution par des parents de l’obligation alimentaire prévue par le Code Civil envers leurs enfants implique nécessairement que ces derniers ne jouissent pas d’une autonomie financière.

Une rente alimentaire versée à un enfant bénéficiant de son autonomie sur le plan financier ne serait pas versée e exécution d’une obligation alimentaire et ne répondrait pas aux conditions de déductibilité de l’article 71, §1, 3° du CIR 1964 ( ndlr : lire art. 104 Cir 1992 )

C’est dès lors en vain et en méconnaissant le principe même de l’obligation alimentaire que l’Administration formule l’exigence d’autonomie financière du créancier d’aliments. »

Tribunal de Première Instance de Namur – Jugement du 10 janvier 2007 – rôle n° 2301-2005 – exercices d’imposition 2002 et 2003

Le Tribunal relève que :

« l’argument du défendeur relatif à la constatation de cette dépendance ne peut évidemment lui permettre de s’opposer à la déduction de ces rentes alimentaires puisque, lorsque de telles rentes sont versées, c’est précisément parce qu’il existe un état de besoin »

Tribunal de Première Instance de Namur – Jugement du 24 février 2010 – rôle n° 08/583/A

Le Tribunal relève que :

« il y a lieu de citer à ce propos la doctrine de Van Gysel et J.E. Beernaert ( Etat actuel du droit civil et fiscal des obligations alimentaires, page 124 ) qui écrivent que : « l’Administration ne peut toutefois tirer profit du fait que le contribuable verse une contribution alimentaire au profit de son enfant économiquement mineur pour en déduire qu’il n’existe pas de volonté d’autonomie financière dans le chef de ce dernier, et, partant, pas de ménage distinct. Ce raisonnement ne tient, évidemment, pas compte du fait que l’état de besoin de l’enfant est une condition ( de droit civil ) préalable au paiement d’un secours alimentaire, et que l’on ne peut donc utiliser cet état de besoin ( absolu ou relatif ) pour faire obstacle à la condition ( de droit fiscal ) de ménage distinct. »

Il a même été jugé à cet égard que : « le paiement de rentes alimentaires par les parents à leur fils majeur, encore étudiant, qui n’a pas encore atteint d’indépendance financière, s’inscrit dans le cadre de l’exécution de l’article 203, §1er, du Code Civil. Il s’agit d’une obligation générale d’entretien, de sorte qu’il n’est pas exigé que le fils soit dans un état de besoin pour que les rentes alimentaires en question soient déductibles ( Anvers, 25 mai 1999, Act. Fisc., 1999, liv. 28,5 ; TFR 1999,801 ) »

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